Sujet :

strategie de reproduction

gui85
   Posté le 04-12-2009 ŕ 18:52:02   

un article sympa et edifiant

tratégie amoureuse
Les coquineries du coq

Il n’y a pas de poule facile. Et les gallinacés doivent démontrer un art consommé de la séduction pour assurer leur descendance

L’œuf existait-il avant la poule, ou la poule avant l’œuf? Depuis des millénaires, cette vertigineuse question a résisté aux plus grands philosophes. La science moderne vient de trancher: au commencement était le coq! De ses éjaculations contrôlées dépendrait le succès reproductif qui perpétuerait sa lignée, lui assurerait une descendance nombreuse et garantirait ainsi la survie du plus apte. Ce processus est au cœur de la sélection naturelle, le moteur de l’évolution selon Darwin. Chez le gallinacé, la stratégie reproductive fait appel à une «sophistication sans précédent connu» dans l’art de distribuer son sperme! Telle est la conclusion d’une remarquable série d’expériences réalisées par l’équipe de Tommaso Pizzari, qui a eu récemment les honneurs de la couverture de «Nature» (6 novembre 2003). Chercheur à l’université des sciences agricoles, à Skara, en Suède, et à l’université de Leeds (Royaume-Uni), Pizzari a étudié le comportement de volailles domestiques et sauvages de l’espèce Gallus gallus – le classique coq de nos basses-cours.
Ce volatile vit en société hiérarchisée. Certains mâles sont dominants, d’autres subalternes, et les femelles ont parfaitement conscience du statut social des mâles. La polygamie est de règle (comme elle l’est, d’ailleurs, majoritairement dans la nature). En général, une poule copule avec plusieurs coqs pendant chacune de ses périodes de fécondité. Côté mâle, la situation est plus inégalitaire: les coqs dominants honorent toutes les poules qu’ils veulent, tandis que les subalternes doivent ramer dur pour assurer leur descendance.

Qui plus est, une recherche précédente de Pizzari a montré que les poules ne sont pas passives dans la compétition entre mâles. Elles ne se contentent pas de subir mais influencent le jeu par des ruses plus ou moins vicieuses. Chez les gallinacés sauvages, où les mâles exercent une sorte de coercition sexuelle en forçant la copulation, les poules résistent davantage aux subalternes et lancent souvent des appels de détresse lorsqu’un mâle de faible statut social cherche à les monter. Les poules manipulent donc le comportement des coqs, en favorisant les mâles dominants.
Chez le coq comme dans de nombreuses autres espèces, la compétition pour les femelles est le premier élément qui détermine la stratégie reproductive du mâle. Du fait que plusieurs mâles se trouvent en concurrence pour féconder la même femelle, le succès reproductif s’apparente à une tombola. Le moyen le plus sûr de gagner le gros lot est d’acheter un grand nombre de billets – voire de les acheter tous. D’où une première forme d’adaptation, commune à de très nombreuses espèces sexuées: fabriquer un nombre astronomique de spermatozoïdes, de manière à augmenter la probabilité que l’un d’entre eux remporte le gros lot de la tombola reproductive.
Le procédé a ses limites: la production de spermatozoïdes est biologiquement coûteuse. Ainsi, chez les mammifères, il faut entre cinq et onze semaines – selon les espèces – pour produire un spermatozoïde mature à partir de la lignée germinale mâle. Qui plus est, le processus demande une grande énergie. Les vipères mâles, par exemple, perdent presque autant de masse corporelle pendant la phase de production de spermatozoïdes que pendant l’étape, apparemment plus coûteuse en énergie, où ils courtisent les femelles et s’accouplent.

Au total, les mâles ne peuvent pas se borner à viser la supériorité numérique. Ils recourent donc à d’autres astuces, qui chez le coq atteignent des sommets de raffinement insoupçonnés jusqu’ici. Dès lors que le nombre de spermatozoïdes n’est pas infini, l’art consistera à optimiser l’investissement de manière à chercher la supériorité numérique tout en restant dans un «budget limité».
Pour y parvenir, le coq commence par moduler sa stratégie en fonction de son statut social. Pour le mettre en évidence, Pizzari et ses collègues ont placé des coqs dans des situations de concurrence croissante, avec aucun, un ou trois rivaux. Résultat: lorsque la concurrence est plus forte, les mâles dominants augmentent leur «investissement spermatique» de manière à assurer une supériorité numérique; ce choix stratégique s’explique par le fait que les dominants ayant accès à toutes les femelles n’ont pas besoin de multiplier les tentatives pour réussir. A l’inverse, les subalternes, pour qui il n’y a pas de «poule facile», doivent adopter une stratégie plus subtile: ils «s’économisent» afin de pouvoir augmenter le nombre de tentatives. Si l’on reprend l’image de la tombola, lorsqu’il y a peu de joueurs, on maximise ses chances en achetant un grand nombre de billets pour un tirage unique; mais s’il y a beaucoup de joueurs, il est plus rentable de répartir son argent sur plusieurs tirages.
Les mâles modulent aussi leur investissement en fonction de la «valeur reproductive» qu’ils attribuent à la femelle. Ainsi, les poules qui ont une grande crête sont jugées les plus attractives et s’attirent les éjaculats les plus volumineux (en quoi les coqs font preuve de jugeote car, d’après Pizzari, les poules à grande crête ont de plus gros œufs, avec un jaune plus abondant, et donc plus de réserves nutritives pour l’embryon à venir – sans que l’on sache pourquoi).
Calculateur, le coq se montre également volage. Lorsqu’il fréquente une poule pendant un certain temps, son attirance pour elle diminue progressivement jusqu’à disparaître; mais lui présente-t-on une petite nouvelle, et son intérêt renaît comme par enchantement. La préférence pour la nouvelle venue ne se borne pas au comportement extérieur: Pizzari et ses collègues ont montré que le volume de l’éjaculat diminue à mesure que le coq s’habitue à sa partenaire, mais réaugmente avec l’arrivée d’une femelle qu’il ne connaît pas encore. Du point de vue de la stratégie de reproduction, la préférence pour la dernière venue a un intérêt pratique: elle augmente les chances de descendance.
Bref, le coq fait preuve d’une capacité à adapter «sur mesure» le volume de son éjaculat aux contraintes de chaque situation. Une stratégie optimale au service du succès reproductif! Les résultats de Pizzari et de ses collègues paraissent presque trop beaux pour être vrais. En fait, si leur rigueur méthodologique ne semble pas contestable, l’interprétation de leurs expériences donne lieu à discussion. En premier lieu, il reste à démontrer que la stratégie du coq lui assure effectivement une descendance nombreuse et saine, ce qui nécessitera une étude à long terme.
D’autre part, un mystère reste entier: comment le coq – et sans doute, les mâles des autres espèces – s’y prend-il pour moduler le nombre de spermatozoïdes qu’il sert à la femelle? Des travaux sur le rongeur Peromyscus maniculatus ont fait apparaître que les canaux déférents, par lequel le sperme est amené des testicules au point de l’éjaculation, réagissent aux endomorphines (morphines naturelles sécrétées par notre organisme): une sécrétion d’endomorphines dilaterait les canaux et accroîtrait le volume de l’éjaculat.
Si ce mécanisme est effectivement en jeu, il pourrait conduire à une interprétation de la stratégie reproductive du gallinacé moins utilitaire que celle de Pizzari. Les endomorphines sont associées au plaisir, et le volume de l’éjaculat dépend peut-être moins de l’intérêt reproductif que des «sentiments» du volatile. Et si, après tout, le coq n’était qu’un grand romantique tout simple?



Michel de Pracontal
Le Nouvel Observateur

http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2040/articles/a227634-les_coquineries_du_coq.html
coucou54300
   Posté le 04-12-2009 ŕ 19:46:42   

On en apprend des choses